

On pense depuis deux décennies, que la civilisation, telle qu’on l’entend en Occident (développement de l’information, du marché, du commerce, et des droits de l’homme), s’est construite avec la maîtrise concomitante de l’émoi. Cette
capacité à ne pas laisser transparaitre ou exprimer ses affects est un "marqueur social" de notre conception moderne de la civilisation. Un idéal de maîtrise supérieure de l’intellect et de la volonté sur les émotions et le ventre, en quelque sorte. Une revanche de l’homo Erectus sur sa nature première. La synthèseà priori, n'apparît pas pas dénuée de bon sens...

Est-ce à dire que nous avons développé des aptitudes à dissimuler ce que nous ne pouvons exprimer ?...
Cela est plus que probable ! Et ce serait certainement l’explication de nombre de pathologies psychiques, organiques et posturales. La raideur, la rétraction, la crispation sont des facteurs récurrents de notre époque. Lorsque un chinois cherche à respirer et à s’étirer dans un parc, en Occident on court et on remue des haltères : chacun ses repères et ses valeurs.
Personne ne détient le secret d’une vie meilleure. Elle est forcément un tout, très spécifique au temps, au lieu et à l’homme qui s’y attache. Mais il est fondamental de s’intéresser aux solutions des autres, parce qu’elle peuvent apporter, par un regard culturel différent, des réponses subtiles et nouvelles aux difficultés rencontrées.

Je suis venu au Yoga après avoir longtemps débattu avec
Loïc Leferme, l’exceptionnel apnéiste No Limit aujourd’hui disparu. Sa capacité à rendre le geste efficient, c’est à dire économe tout en restant le plus efficace possible m’a stupéfait. Son travail sur un diaphragme trop rigide et sur les rétractions corollaires, passait par une pratique assidue du Yoga dans laquelle il excellait.
Avec toujours l'idée centrale de ne jamais "passer en force". "En Yoga, la force ne résout jamais rien !" disait-il. Il était l’exemple vivant de cette capacité à s’extraire de notre approche peut-être trop occidentale des choses. Même si de notre civilisation, il en avait tiré le plus utile de par l’analyse scientifique de ses performances et les aides précieuses des proches expérimentés qui l’entouraient toujours.

Cette symbiose, idéale pour moi, du mental et du physique, le fait d’être capable de relier et de fondre le corps et l’esprit dans une épreuve m’ont fait m’écarter de mes certitudes cartésiennes. Et j’ai plongé aussi. Moins loin et moins profond. Certes. Mais j’ai découvert une dimension nouvelle et étonnante : la mienne. Celle d’un corps à se réapproprier en partie et d’une volonté à la fois de se discipliner et tout autant de lâcher prise. Le défi de toute une vie.
Nous devions nous rencontrer fin Août 2006 et expérimenter ensemble des postures Yogiques à Villefranche-sur-mer. Les aléas de la vie m’ont fait trop tarder. J’ai raté la comète. Et je m’en mords amèrement les doigts aujourd’hui.

Presque tous les jours.
Merci Loïc.
Loïc Leferme fut détenteur du record du monde d’apnée No Limit (- 171m). Il est décédé accidentellement lors d’une séance d’entraînement, à Villefranche-sur-Mer, le 11 avril 2007. Une défaillance matérielle rare ne lui a laissé aucune chance, et ce malgré sa grande expérience et son souci constant de revenir toujours pour les siens, de ses longues descentes dans les abîmes. Il avait 36 ans. Voir le site http://www.julesvernefestival.com qui rend hommage grâce à son festival, à l'homme et aussi le champion qu'il fut.