
Isabelle détient à ce moment là, la meilleure performance française réalisée sur structure naturelle (difficulté 8B/C athlétique et plutôt sévère). Elle a gagné une étape de la coupe du monde, et malgré son âge, reste une compétitrice dangereuse et expérimentée. Elle a décidé de se réinvestir une saison en bloc...
Elle m’envoie donc les planifications et le programme de travail. Je regarde. Du classique de chez classique. Périodisation sur trois semaines avec des séances répétitives et des charges un peu étonnantes pour moi. Je me renseigne sur le style d’Isa, je parle avec elle, je la questionne et je tente d’analyser sa psychologie. Elle est très fine, cultivée,

Assurément, la planification qu’on lui fait suivre n’a rien de personnelle : ce n’est qu’un calque appliqué à partir d’une méthodologie globale. Elle ne tient compte en rien de ses points forts et de ses points faibles. Et si proche des championnats, les points forts sont trop mal exploités. Je me renseigne, je la questionne à nouveau…et, bingo ! La planification n'est effectivement au terme, qu'un simple modèle de base adressé à tous les compétiteurs de l'Equipe de France. Chacun d’eux suit donc le même programme! Hérésie ! Le travail est certes moins contraignant pour le cadre qui l'a pondu et qui fourgue ainsi son plat "réchauffé", sans trop d'efforts. Avec au bout, la quasi certitude de passer à côté du meilleur de l'athlète.

Car chaque individu doit être saisi dans sa globalité. Un travail réalisé à partir d’un modèle préconçu, hors des caractéristiques propres de l’individu n'est qu'une pauvre et besogneuse application; elle peut-être parfois même dangereuse (blessures physiques ou marquage psychologique). Il n’exploite pas les leviers personnels capables de mobiliser une énergie différente. Il impose des valeurs et des zones de passage obligatoires sans tenir compte d’un « scanning » pertinent de l’athlète.
Les périodes de récupérations devenaient moins efficaces et s’étiraient, les effets des exercices devenaient illusoires car trop lourds pour la période, bref, Isa perdaient le moral et se questionnait de plus en plus sur son avenir sportif et professionnel.
Mon conseil fut de ne pas suivre le travail proposé et de se tourner vers la pratique la plus difficile, la plus exigeante, mais aussi celle qui mettait le mieux en valeur tout l’expérience et la force mentale qu’elle pouvait mobiliser : revenir à la falaise et « perfer » à nouveau. Enfoncer le clou, et réinvestir la place dans le haut niveau. Revenir prendre ses marques dans le domaine
Ignorer la singularité de l'individu, c'est forcément à terme parvenir à le nier. Et un athlète est un être à fleur de peau. Certains entraîneurs, coupés qu’ils sont de la réalité, et fermés à une approche presque « clinique » de l’entraînement, se tournent vers une méthodologie qui les rassure, de type « ordinateur portable, fiches et programmes tous faits». Ceux-là, sous des façades de sérieux et de compétence soit disant scientifiques, passent à côté des déterminants véritables de la performance : l’envie et la volonté de se projeter avec tout ce que l’on est vers un autre état.
Faire l’inverse s’est toujours s’assurer un échec relatif, ou retentissant.
Parce qu’il en faut jamais confondre le but et les moyens.
A aucun moment. Et pour quoi que ce soit.
C’est si facile … mais si dangereux d’y céder.