Beaucoup plus tard, lors d’un repas, je rencontre l’ancien torero Patrick Varin qui a pris en main la formation d’un jeune novillero nîmois, Julien Miletto.
Durant neuf mois, nous allons travailler au Mas d’Auzières, chez Vincent, l’ami de Julien. Musculation, cardio, étirements, travail de fractionnés dans les arènes, en colline, sur plat, tirages de charge en déplacement, statique puis pliométrie aux bancs, descentes excentriques… Le jeune novillero encaisse des charges de travail énormes, avec une application et un sérieux étonnants. Le groupe se resserre avec le départ de Patrick Varin. Julien sait qu’il ne peut compter que sur lui, même si ses proches le soutiennent à chaque instant.
Première corrida, premiers trophées. Je retiens la violence des charges des bêtes impressionnantes et surtout le courage des toreros. Et celui de Julien. Réel. Affolant parfois. A genoux devant la bête à Nîmes, revenant d’une voltereta à Céret dans une lidia dantesque. Et la lividité de Vincent, son ami, avant chaque corrida. Il progresse et reprend ses marques. Il travaille seul à la cape chaque jour et remonte la pente. Avant son alternative avec le n°1 de l'Escalafon, El Juli, dans des arènes combles, il hésitera à effectuer un difficile travail de maîtrise psychologique et mentale et de visualisation que je lui proposais. Cela lui coutera, je le pense, ses deux trophées. Mais démarrer du plus bas et se retrouver quelques mois plus tard avec le meilleur spécialiste mondial au milieu d'une arène de près de 20 000 personnes, c’est déjà réussir un pari inespéré. Nous lui avons demandé déjà beaucoup. Mais il en voulait aussi beaucoup.
Contrat rempli. Nos routes se séparent.
Je garde en moi, le soulagement profond de ne pas avoir attrapé son virus. Celui qui vous laisse les jambes coupés avant de rentrer au Paséo en sentant la mort ou l’accident toujours possibles, et qui rôdent ensemble, autour du sable des arènes.
Je garde l’image d’un jeune homme simple et sincère mais qui devra se faire violence pour naviguer dans un monde impitoyable et fermé.
Et celle aussi de ses parents, les cœurs noués et les tripes broyées, alors qu’il entre en piste…
Le matador Julien Miletto et Franck Martini, à l'hôtel, quelques minutes avant le départ pour une corrida, Julien concluant un "petcho" main gauche, et quelques clichés de l'entraînement pliométrique mono-jambe aux tabourets, et en bas, en puissance de sprint en tirage de charge (20kg), enchaîné au tirage arrière (rééquilibrage) . Lieu: Mas d'Auzières, chez les "Fare". Ci contre, en vedette de Corrida pour son Alternative à Nîmes. En bas, Saint Gilles, Août 2007 : le danger, omniprésent...
Tendido Sud N°249 25/05/11 - TV SUD par TVSud
TENDIDO SUD INTEGRAL Mercredi 22 février 2012 par TVSud
Rétrospective de la carrière du jeune torrero qui reconnait, à son grand regret, n'avoir pas eu les capacités morales pour tenir le choc chaque après midi devant le taureau. Le même travail mental que je lui avait proposé et qu'il n'avait pas voulu faire à une semaine de son alternative.
Il l'a payé cher en sacrifiant une carrière et le temps de ceux qui se sont investis pour lui.
Faut écouter humblement les spécialistes...
Toujours.
;)